La fabuleuse histoire du "Soleil-d’Orient"
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Classé au rang des épaves mythiques de l’histoire de France, un galion de Louis XIV, le Soleil-d’Orient a disparu en 1681 après avoir quitté l’île Bourbon les cales chargées de précieux présents du roi de Siam au Roi Soleil. En 1997, une équipe reprend les fouilles dans les eaux territoriales malgaches ... et ouvre de nouvelles perspectives à la recherche.
La société internationale de la marine marchande pour la recherche historique signe un contrat de concession avec le gouvernement malgache pour entreprendre les recherches d’un navire naufragé dans les eaux territoriales du large de Tolagnaro, à quelques encablures de Fort-Dauphin. Dans le petit monde de l’archéologie sous-marine, la nouvelle fait l’effet d’une bombe. "Comme les chercheurs des Caraïbes ont fantasmé sur les galions espagnols chargés d’or et de pierres précieuses, ceux de l’océan Indien voulent retrouver le Soleil-d’Orient", se souvient Pierre Brest, homme de mer et de mémoire, agrégé à l’université, moniteur fédéral et initiateur d’archéologie subaquatique. Ignoré des cartes et des experts, le galion de Louis XIV est porté disparu depuis près de 400 ans. Entre l’île Bourbon et une terre inconnue. En 1669 - ou 1671, les historiens hésitent -, les chantiers maritimes du roi de France sortent des cales de Lorient le premier grand navire de la ville portuaire. Avec son millier de tonneaux et ses soixante canons, le Soleil-d’Orient est armé pour faire honneur au souverain le plus puissant d’Europe. "Ses débuts sont pourtant peu brillants, raconte Pierre Brest. A peine achevé, le trois-mâts essuie, en mars 1671, une terrible tempête au large de la Rochelle et regagne le port en piteux état, voiles arrachées et mâts cassés". Le grand départ est ajourné pour l’année suivante, confié aux charpentiers de marine et à la bonne grâce de Dieu. L’hiver passé dans le port tout juste "libéré" des protestants, l’équipage s’éloigne enfin des côtes du royaume de France. Cartes et sextants donnent pour cap l’Inde et ses comptoirs, récemment acquis par la toute jeune Compagnie française des Indes orientales, fondée en 1664. Deux ans de périples plus tard, "alors que le capitaine tente de relier Surate à Lorient par le canal de Mozambique, une erreur de navigation et des conditions météorologiques défavorables écartent une fois encore le Soleil-d’Orient de son itinéraire et le poussent vers les côtes d’Afrique de l’Est". Condamnés à faire escale, les hommes d’équipage descendent à terre à la rencontre des populations locales. Une curiosité qui leur sera fatale... La fièvre jaune et le paludisme ne les laisseront jamais reprendre la mer. Les quelques survivants - "sept sur les 300 hommes engagés à Lorient !", précise Pierre Brest - affaiblis, ne suffisent pas pour reprendre la mer. "Avertie par un autre navire de sa flotte, la Compagnie des Indes orientales lui envoie l’année suivante du secours", des hommes "neufs", aptes à ramener le Soleil-d’Orient sous de plus familières latitudes. Après trois ans et demi d’absence, les Bretons aperçoivent enfin le fleuron de la Compagnie poindre à l’horizon. "Pendant deux ans, il restera à quai, faute de moyens d’armement". 1676 : les armées du roi Soleil avancent toujours victorieuses et conquièrent la Flandre, la Franche-Comté, l’Alsace et la Hollande. Le Soleil-d’Orient reprend la mer vers les territoires qui lui avaient porté malheur. En route vers son destin et sa perte. "Après deux années en Inde et en Insulinde, il quitte Bantam, dans l’île de Java, avec trois cents marins". A bord, des passagers de marque : la flotte de Louis XIV accueille une vingtaine de mandarins et leur suite, l’ambassade du roi de Siam au grand complet. Menacé par une nouvelle invasion birmane qu’il a maîtrisée quelques années plus tôt, le grand monarque asiatique compte bien éblouir son homologue français et charge son navire des cadeaux les plus sompteux. "Rien n’est trop beau pour impressionner le roi divin, jusqu’aux lettres de créances rédigées sur de fines feuilles d’or et rangées dans une châsse en métal précieux incrusté de pierres fines", poursuit Pierre Brest. "Avec le coton, la soie et les épices destinées à la Compagnie des Indes, c’est une cargaison de plus de 800 000 livres (cent millions de francs) qui fait route vers la côte Atlantique". Le bateau s’accorde une courte escale à la Réunion, à l’automne 1681. Le temps de "se rafraîchir" : il reconstitue ses réserves d’eau douce, de gibier et de fruits et cette pause permet de redynamiser l’équipage. "Quelques jours plus tard, le 1er novembre 1681, le Soleil-d’Orient se couche définitivement dans les eaux de l’océan Indien alors qu’il cingle vers Madagascar. Pour une raison encore inconnue, engloutissant le fabuleux trésor". Si les historiens ignorent quelle fut le sort d’éventuels survivants, à dix mille kilomètres de là, on attend avec angoisse le galion parti pour l’Orient. Et quand "une seconde ambassade débarque à Brest en 1686, sa richesse impressionne tant la population bretonne que l’on décide de rebaptiser la principale artère de la ville "rue de Siam". "Quant au Soleil-d’Orient auquel "le port de l’Orient" doit vraisemblablement son nom, conclut l’historien, il reste le modèle préféré des fabricants de maquettes de bateaux, à Maurice par exemple, et fait toujours rêver aussi bien que les chasseurs de trésors que les archéologues". A tel point qu’il aimerait bien voir le ministère de la Culture récupérer l’épave. "A la différence des autres embarcations, l’épave d’un navire de guerre - dont la définition était encore floue sous l’Ancien régime - n’appartient pas à l’Etat responsable des eaux territoriales dans lesquelles il a coulé mais à son Etat d’origine", rappelle-t-il. En plus de son intérêt patrimonial, elle serait d’après ce passionné d’histoire et de mer, "riche d’informations historiques, sur les techniques de bordage notamment".
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